On en parlait déjà dans les médias et sur divers canaux. Au terme de mois de négociations et après avoir sollicité l’avis du CNT, le kern a trouvé un accord sur les modalités du deal pour l’emploi.
Le gouvernement a adopté les mesures envisagées dans le deal pour l’emploi dès le 1er juillet. Le projet de loi a ensuite été déposé à la Chambre des représentants le 7 juillet.
Entre-temps, le projet a été coulé dans une loi, elle-même publiée au Moniteur belge le 10 novembre 2022.
Voici un aperçu des mesures qu’elle contient.
Délai de communication des horaires de travail variables à temps partiel
Les délais de communication actuels que l’employeur doit respecter lorsqu’il notifie l’horaire de travail variable applicable aux travailleurs à temps partiel passeront de 5 et 1 jour(s) ouvrable(s) à 7 et 3 jour(s) ouvrable(s) afin de donner aux travailleurs un peu plus de latitude pour s’organiser selon ces horaires.
Les exceptions sectorielles prévoyant un délai inférieur à trois jours ouvrables resteront applicables jusqu’à la fin de l’année. Si aucune nouvelle CCT sectorielle n’est conclue à cette date, le délai minimal de communication de sept jours ouvrables s’appliquera automatiquement. Une exception à cette application automatique de 7 jours ouvrables est prévue pour le secteur horeca (CP 302) et le secteur de l’entretien du textile (CP 110) s’il n’y a pas de nouvelle CCT au 1er janvier 2023. Le délai de communication sera de 3 jours ouvrables en l’absence d’une CCT sectorielle et les anciennes CCT perdront leur effet à partir du 1er janvier 2023.
Une dérogation à cette règle est également prévue pour certaines commissions paritaires, afin que ces CCT puissent continuer à s’appliquer au-delà du 31 décembre 2022, jusqu’à ce qu’elles cessent d’être en vigueur.
Elle concerne les 3 secteurs suivants :
- Commission paritaire de l’horticulture (CP 145) : les activités dans ce secteur dépendent beaucoup des conditions météorologiques, ce qui nécessite de disposer de la flexibilité nécessaire pour permettre aux travailleurs de travailler ou non ;
- Commission paritaire pour le nettoyage (CP 121) : l’exception existante peut être maintenue sous la forme d’une mesure transitoire en cas de travail imposé par une nécessité imprévue et après l’accord du travailleur ;
- Commission paritaire auxiliaire pour les employés (CP 200) : certaines activités qui nécessitent parfois des ajustements de dernière minute, comme dans les auto-écoles, et pour lesquelles une dérogation existe aujourd’hui peuvent également maintenir temporairement leur dérogation grâce à la mesure transitoire.
Toute nouvelle CCT sectorielle conclue (sous réserve des dérogations précédentes) doit donc respecter le délai minimal de trois jours ouvrables.
Dans la lignée de ce qui précède, le règlement de travail doit également être modifié, et ce, dans les 9 mois qui suivent l’entrée en vigueur de la mesure, soit au plus tard 9 mois après le 20 novembre 2022.
Dès le 20 novembre 2022, les travailleurs pourront demander à leur employeur d’aménager leur temps de travail. Ils peuvent demander à répartir leur temps de travail à temps plein sur quatre jours ou à travailler selon un régime hebdomadaire variable (voir ci-dessous).
Semaine de 4 jours
Afin de donner plus de flexibilité aux travailleurs, la loi prévoit la possibilité d’effectuer une semaine de travail à temps plein de 5 jours sur 4 jours.
Si l’employeur souhaite proposer cette possibilité, il devra modifier le règlement de travail et l’horaire de quatre jours devra y être repris.
La conversion à la semaine de quatre jours signifie que la limite quotidienne des heures de travail d’un travailleur à temps plein est portée à 9,5 heures s’il effectue ses prestations normales à temps plein pendant quatre jours par semaine. Par prestations normales de travail à temps plein, on entend « la durée hebdomadaire normale de travail à temps plein de 38 heures (ou 40 heures au maximum dans la mesure où l’on travaille en moyenne 38 heures par semaine) ou la durée inférieure déterminée dans le cadre d’une réduction collective de la durée du travail ».
Si la durée hebdomadaire de travail effectif est supérieure à 38 heures par semaine, seule une CCT peut permettre de porter la limite journalière précitée à un nombre d’heures égal à la durée hebdomadaire de travail effectif divisée par quatre.
Cette dérogation ne peut être appliquée que sur demande écrite préalable du travailleur, adressée à l’employeur. Il n’y a pas d’exigences formelles pour la demande. En d’autres termes, elle peut se faire sur papier ou par voie électronique.
Si l’employeur est d’accord, une convention écrite, dont la durée est limitée à six mois (mais renouvelable), devra être établie entre l’employeur et le travailleur.
Cette convention devra contenir un certain nombre de mentions obligatoires (comme, entre autres, l’horaire concret de la semaine de quatre jours) et l’employeur devra conserver la convention à l’endroit où le règlement de travail peut être consulté. Un exemplaire doit être transmis au Comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut, à la délégation syndicale, lorsqu’elle est demandée par l’un des organes et nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches d’intérêt général ou de leurs obligations.
L’employeur doit présenter une motivation écrite s’il répond négativement à la demande du travailleur. Là encore, aucune exigence de forme spécifique n’est prévue.
Il est toutefois interdit à un travailleur occupé dans un système de quatre jours d’effectuer des heures supplémentaires volontaires les autres jours de la semaine.
Il ne s’agit donc pas d’un droit absolu pour le travailleur.
La loi prévoit également une sorte de « protection contre le licenciement », en ce sens que l’employeur ne peut procéder à un licenciement que si les raisons inhérentes au licenciement sont étrangères à la demande du travailleur.
Régime de semaine alternée
Outre la semaine de quatre jours, un nouveau régime de travail de la « semaine alternée » est également instauré. Il permettra d’organiser l’horaire à temps plein sur un cycle de deux semaines consécutives, où il sera possible de travailler jusqu’à 9 h par jour et jusqu’à 45 h par semaine, à condition de respecter la durée moyenne hebdomadaire de travail sur deux semaines.
Pour le reste, il convient d’appliquer la procédure décrite ci-dessus pour la semaine de quatre jours.
Une exception s’applique pendant le 3e trimestre de l’année et en dehors du 3e trimestre en cas d’événement imprévu dans le chef du travailleur : dans ce cas, un cycle de 4 semaines au lieu de 2 peut s’appliquer. La durée moyenne hebdomadaire de travail doit alors être respectée sur 4 semaines. Cette spécificité permet aux travailleurs de s’organiser en fonction des vacances scolaires des enfants et en cas de circonstances imprévues.
Les travailleurs soumis au régime de la semaine alternée ne peuvent effectuer des heures supplémentaires volontaires que pendant les semaines où l’horaire hebdomadaire de travail est supérieur à l’horaire hebdomadaire normal, et donc pas pendant la semaine où l’horaire hebdomadaire de travail est inférieur à l’horaire normal.
Exemple :
Dans le cadre d’un régime de semaine alternée avec un cycle réparti sur deux semaines consécutives, une durée hebdomadaire de travail de 45 h en semaine 1 et une durée hebdomadaire de travail de 31 h en semaine 2 (afin de respecter la durée hebdomadaire normale de 38 h en moyenne) a été convenue entre l’employeur et le travailleur. Dans ce cas, il est possible d’effectuer des heures supplémentaires volontaires la première semaine, mais pas la deuxième. En effet, au cours de la semaine 2, la prestation prévue (31 h) est inférieure à la durée hebdomadaire normale de travail (38 h).
Cette mesure ne s’applique qu’aux travailleurs à temps plein.
Économie des plateformes
Le gouvernement veut améliorer le statut social des travailleurs des plateformes. Songez, par exemple, à la récente affaire liée aux coursiers de Deliveroo.
Certains critères (exclusivité, restriction de la liberté d’accepter ou non des missions…) seront ajoutés dans la loi sur les relations de travail spécifiquement pour qualifier les activités dans l’économie des plateformes.
Lorsque 3 des 8 critères sont remplis, ou 2 des 5 derniers critères, il y a présomption de salariat. Il ne s’agit toutefois pas d’une présomption irréfragable et la plateforme peut donc tenter de prouver qu’il est question d’une collaboration indépendante.
La plateforme devra, en outre, souscrire une assurance obligatoire contre les accidents du travail pour tous les collaborateurs, indépendamment de leur statut.
Trajets de transition
Le trajet de transition est prévu pour les travailleurs dont le contrat de travail est résilié avec un délai de préavis. Ces travailleurs peuvent demander à leur employeur un trajet de transition vers un nouvel emploi.
Le trajet est toujours volontaire. L’employeur peut donc également proposer le trajet de transition au travailleur, mais ce dernier n’est pas tenu de l’accepter. Des sanctions ne peuvent pas non plus être imposées si le travailleur ne veut pas s’engager dans un trajet de transition, par exemple sur le plan du droit aux allocations de chômage.
Dans un trajet de transition, le travailleur licencié est mis à la disposition d’un nouvel employeur-utilisateur potentiel. Une exception supplémentaire à l’interdiction de mise à disposition est ainsi prévue.
Le trajet de transition se fait en coopération avec les agences de travail intérimaire ou les services publics régionaux de l’emploi.
Avant le trajet de transition, une convention doit être établie entre l’employeur, le travailleur, l’utilisateur, l’agence de travail intérimaire ou le service public régional de l’emploi.
La durée du trajet de transition est au maximum égale à la période de préavis.
Pendant la période de préavis, l’employeur continuera à verser les salaires au travailleur licencié. Ce salaire correspond au salaire applicable chez l’utilisateur pour le poste que le travailleur y occupe. Toutefois, si ce salaire est inférieur au salaire courant auquel le travailleur a droit en vertu de son préavis, l’employeur doit continuer à verser le salaire courant. L’utilisateur doit cependant compenser en partie la charge salariale de l’employeur pendant le trajet de transition. Des dispositions spécifiques sont prévues en cas d’incapacité du travailleur pendant le trajet ou, par exemple, en cas de manque de travail.
Pendant le trajet de transition, le travailleur a toujours droit à son congé de recherche d’emploi, mais il ne peut pas en abuser.
Le travailleur et l’employeur peuvent mettre fin au trajet de transition en cours de trajet en respectant un délai de préavis et en tenant compte de l’ancienneté accumulée depuis le début du trajet.
La résiliation anticipée ne peut avoir aucune incidence sur le délai de préavis initial, c’est-à-dire qu’il se poursuit après la résiliation anticipée du trajet.
Pour éviter tout abus du trajet, la condition est que l’employeur-utilisateur doit embaucher le travailleur à la fin du trajet dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. À défaut, l’employeur-utilisateur devra verser au travailleur une indemnité égale à la moitié de la durée de la mise à disposition dans le cadre du trajet de transition.
Promotion de l’employabilité
Avec les mesures de promotion de l’employabilité, le gouvernement souhaite optimiser l’employabilité sur le marché du travail des travailleurs licenciés.
Le régime vise les travailleurs licenciés (préavis ou indemnité) qui ont droit à un préavis d’au moins 30 semaines. Le délai de préavis est converti en une formule de départ, composée comme suit :
- Partie 1 : 2/3 du délai de préavis normalement applicable, avec un minimum de 26 semaines. Cela peut prendre la forme d’un délai de préavis, mais aussi d’une indemnité de préavis.
- Partie 2 : partie restante de la période de préavis normalement applicable. Cela peut également se faire par le biais d’un délai de préavis ou d’une indemnité de préavis.
Si le travailleur est licencié avec un délai de préavis, il a le droit de s’absenter du travail avec maintien de son salaire pour suivre des mesures de promotion de l’employabilité telles qu’une formation supplémentaire, un programme de coaching, des heures d’outplacement…
En cas de licenciement avec paiement d’une indemnité de départ, le travailleur doit se tenir à disposition pour suivre des mesures de promotion de l’employabilité.
Ces mesures sont financées par les contributions de l’employeur calculées sur la deuxième partie de l’indemnité de départ. Ces contributions sont versées par l’ONSS à l’ONEM (ce point doit encore faire l’objet d’un AR).
Si le travailleur suit un trajet de transition, il ne peut être fait appel aux mesures de promotion de l’employabilité.
Le fait que le travailleur ne suive pas les mesures de promotion de l’employabilité n’a pas d’incidence sur son droit aux allocations de chômage.
Les mesures ne portent pas non plus atteinte à l’accompagnement en outplacement.
La mise en œuvre effective des mesures doit encore être déterminée, mais il est fort probable que les services de l’emploi des entités fédérées seront sollicités.
E-commerce et travail de nuit
L’e-commerce est limité par la loi à l’exécution de services de logistique et de soutien liés au commerce électronique de biens meubles. En d’autres termes, le commerce électronique dans les services (par exemple, la vente en ligne de produits d’assurance) est exclu de cette dérogation.
Le travail du soir entre 20 h et 24 h peut être instauré indéfiniment à partir du 20 novembre 2022 par le biais d’une convention collective ordinaire d’entreprise, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un syndicat (cette démarche fait toutefois l’objet d’une procédure stricte).
Cette possibilité était déjà prévue de 2018 à 2019.
Cette mesure est introduite pour l’e-commerce afin d’instaurer (temporairement) un travail de nuit plus simple entre 20 heures et minuit.
La forme de travail de nuit précitée peut être introduite dans l’e-commerce :
- soit par la procédure de modification du règlement de travail (règle normale) ;
- soit en concluant une CCT « ordinaire ».
Lorsque le travail de nuit est instauré par une convention collective, le règlement de travail peut alors être modifié sans devoir suivre la procédure de modification usuelle.
Expérience en matière d’organisation du travail dans le cadre de l’e-commerce
Pour une période maximale de 18 mois, le travail de nuit peut être introduit à titre expérimental dans l’e-commerce pour permettre aux travailleurs volontaires de travailler entre 20 heures et minuit. Cette expérience ne peut être effectuée qu’une fois.
Cette mesure s’accompagne d’un assouplissement de la procédure de modification du règlement de travail : les horaires prévus y seront automatiquement ajoutés.
L’introduction de l’expérience nécessite la consultation préalable des organes consultatifs compétents ou, à défaut, des travailleurs.
Droit à la déconnexion
Actuellement, la réglementation relative à l’utilisation des outils numériques prévoit seulement qu’une concertation à ce sujet ait lieu au niveau des entreprises, sans qu’aucun accord ne doive être conclu.
Cette situation va changer, car un cadre garantissant le droit à la déconnexion doit être élaboré au niveau des entreprises à partir du 20/11/2022.
À titre d’exemple d’interprétation, il est cité qu’il peut s’agir de directives visant à ne pas répondre aux e-mails ou aux appels mobiles, à éteindre les serveurs en dehors des heures de travail, à activer les messages d’absence et les messages de transfert, à utiliser une auto-signature qui souligne la non-urgence d’une réponse immédiate.
Au plus tard le 1er janvier 2023, les entreprises de plus de 20 travailleurs doivent conclure une CCT ou inclure dans le règlement de travail les dispositions qui régissent le droit à la déconnexion et comprennent au moins les éléments suivants :
« Les modalités pratiques de l’application par le travailleur de son droit à l’indisponibilité en dehors de ses heures de travail ; les lignes directrices pour utiliser les outils numériques de manière à préserver les temps de repos, les congés et la vie privée et familiale du travailleur ; des actions de formation et de sensibilisation des travailleurs et des dirigeants sur l’utilisation adéquate des outils numériques et les risques liés à une connectivité excessive ».
Une concertation avec les organes consultatifs compétents est nécessaire.
Au niveau sectoriel ou par le biais du CNT, il peut également être décidé d’élaborer une convention collective de telle sorte qu’une CCT d’entreprise ne soit alors plus obligatoire.
Droit individuel à la formation et plan de formation annuel
L’instauration des obligations de formation est double : d’une part, les entreprises d’au moins 20 travailleurs devront établir un plan de formation annuel formel à partir de 2023 ; d’autre part, les entreprises d’au moins 10 travailleurs prévoir un droit individuel à la formation par travailleur.
Le droit individuel à la formation sera progressivement porté de 3 jours en 2022 à 5 jours à partir de 2024 par ETP dans les entreprises d’au moins 20 travailleurs. Ce droit à la formation est soit réglementé au niveau sectoriel, soit l’employeur doit prévoir un compte individuel de formation formel par travailleur. Ce compte de formation permettra ensuite de suivre le nombre de jours de formation et le nombre restant.
Les jours de formation non utilisés peuvent être reportés à l’année suivante, mais par période de 5 ans, le travailleur doit avoir bénéficié en moyenne d’au moins 5 jours de formation par an. Les partenaires sociaux peuvent augmenter ou diminuer le nombre de jours de formation imposés dans leur secteur, mais un minimum de 2 jours de formation par travailleur doit être garanti.
Les mêmes principes s’appliquent aux employeurs comptant au moins 10 et moins de 20 travailleurs, mais une seule journée de formation par an est concernée.
Les employeurs comptant au moins 20 travailleurs doivent préparer un plan de formation annuel formel avant le 31 mars.
Ils doivent soumettre ce plan pour avis aux organes consultatifs compétents ou, à défaut, aux travailleurs avant le 15 mars.
Le plan comprend au minimum une formation formelle et informelle et s’applique pour une durée minimale d’un an. Il doit également inclure la formation proposée et le groupe cible de la formation.
Les commissions paritaires peuvent encore définir les conditions minimales que doit contenir le plan de formation.
Entrée en vigueur
La plupart de ces mesures sont entrées en vigueur le 20 novembre 2022.
Les règles relatives à la promotion à l’employabilité s’appliqueront à partir du 1er janvier 2023 et uniquement aux licenciements à partir de cette date.
L’obligation d’établir le plan annuel de formation entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2022. Les dispositions relatives au droit individuel à la formation entrent en vigueur le 10 novembre 2022.
Pour 2023, en ce qui concerne les droits à la formation :
- un plan de formation annuel doit être établi avant le 31 mars ;
- le droit individuel à la formation devient concret.